Architecture rurale alpine
On désigne par "architecture rurale" les techniques, les matériaux et les styles de construction des édifices civils des zonees rurales. Dans les Alpes, l'architecture rurale est un marqueur fort de l'identité des territoires : les constructeurs des siècles passés utilisaient des matériaux locaux et la maison était pensée et organisée pour faciliter les travaux quotidiens de l'agriculture et de l'élevage.
L'Atelier d'Histoire mène des recherches sur l'architecture rurale alpine en conjuguant les enquêtes de terrain avec les archives. La visite de maisons encore existantes ou de vestiges est très instructive. Elle le devient encore plus lorsqu'on on découvre des sources écrites sur le sujet. Par exemple des estimations de maisons décrivant en détail la distribution des pièces, les techniques et les matériaux utilisés.
Ce thème de l'habitat est passionnant car il est intrinsèquement lié au mode de vie. En décrivant l'usage que les hommes font de ces maisons, elles reprennent vie !
Si le petit aperçu ci-dessous vous a plu, sachez que nous avons construit tout un cours sur l'architecture rurale.
Balade architecturale dans les Alpes du Sud
Un habitat regroupé
Cette carte postale du village de Brunissard, à Arvieux dans le Queyras, montre un village à l'habitat resserré. Il s'agit d'économiser l'espace disponible pour les terres agricoles et de réduire les distances à parcourir pour se rendre d'une maison à l'autre, à la fontaine, à la chapelle, etc.
Le maisonnement
Cette demeure de Plampinet, dans la vallée de la Clarée, est un bel exemple de "maisonnement". C'est ainsi que la maison est appelée dans les archives. En effet elle regroupe sous un même toit le logis familial, l'écurie pour les animaux et l'immense grange dans laquelle on resserre les récoltes.
Des matériaux locaux
A Abriès, le plan en U de la maison s'explique par cette même nécessité de circulation. Par exemple, on va de la "court" ouverte au rez-de-chaussée jusque sur les galeries de bois au-dessus. Les matériaux proviennent du territoire : la pierre pour les maçonneries, le bois de mélèze pour les murs de la grange, les balcons, les huisseries, la charpente et la toiture.
Maçonnerie de blocage
Dans cette ruine du Villard d'Abriès, la technique de construction est visible. Il s'agit d'une maçonnerie de blocage constituée de deux parements en pierre constituant les deux faces du mur, entre lesquels sont logés des blocs servant de blocage. Le liant est composé de chaux, de sable et d'eau.
Les chapilas de Névache
Les pièces n'ayant pas d'impératif d'isolation ont souvent des murs en bois de mélèze. Cependant les techniques d'assemblage varient d'une vallée à l'autre. A Névache, d'épaisses planches sont disposées à l'horizontale, leurs extrémités embrevées dans des poteaux rainurés : c'est la technique des "chapis" ou "chapilas".
La fuste de Saint-Véran
A Saint-Véran, on utilise des troncs entiers, empilés les uns sur les autres et croisés à mi-bois aux angles. Ce volume s'appelle la fuste. Elle correspond à la grange dont seul le premier niveau est fait de murs maçonnés.
Les enduits anciens
Les incendies successifs ont souvent conduit les propriétaires à reconstruire des maisons aux granges totalement maçonnées. En voici une, fort rare, à La Clapière à Ceillac. Elle a conservé son enduit d'origine légèrement ocré. Cette jolie couleur s'explique par l'utilisation du sable du torrent pour fabriquer le liant entre les pierres et l'enduit qui les recouvre. La grange se devine à ses nombreuses aérations percées dans le mur.
Fenêtre sur la forêt
Au Villard d'Abriès, cette belle fenêtre au cadre de mélèze est pourvue d'un large ébrasement du mur maçonné. Ainsi la lumière pénètre plus largement malgré la petite taille de l'ouverture.
La porte de la "court"
Voici la porte d'une "court" (prononcez le "t") de Saint-Véran : c'est l'entrée commune aux hommes et à leurs animaux. Celle porte est pourvue de deux battants et inscrite sous un arc cintré. Elle est en outre est surmontée d'un linteau en mélèze qui nous apprend que la maison a été construite en 1788. En 1840, son propriétaire a fait faire un cadran solaire au fameux cadranier Zerbola.
Des maîtres qui ont 3 métiers
Les archives du Queyras disent que les maisons étaient construites par des maîtres maçons-menuisiers-charpentiers. Ce document des archives départementales des Hautes-Alpes, coté 1E3949, a été rédigé en 1680 par le notaire Berthelot. C'est une estimation de maison faite par deux maîtres maçons d'Abriès. Remarquez le tampon de la généralité de Grenoble qui associe fleur de lis et dauphins.